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Enquêtes publiques : l’important, c’est de participer

Comme je l’ai déjà écrit, les citoyens marseillais sont plutôt impliqués dans la vie de leur commune. Mais beaucoup se demandent aussi (et me demandent parfois) comment se faire entendre des institutions.

Alors que l’on note une certaine impatience de voir la nouvelle municipalité tenir ses promesses en la matière, il me semble utile de rappeler que les enquêtes publiques permettent aux habitants de s’exprimer très concrètement sur la réalisation de projets ayant un impact potentiellement important sur leur environnement, leur santé ou leur quotidien. Seulement pour cela il faut se motiver, et pas qu’un peu, Marseille (et Euroméditerranée) n’ayant jamais brillé par leur culture de la participation citoyenne.

Obligatoires pour la plupart des projets soumis à une évaluation environnementale et/ou à une déclaration d’utilité publique, les enquêtes publiques sont également indispensables à l’adoption des documents d’urbanisme comme les Plan Locaux d’Urbanisme (PLU).

Mais comment être au courant de ces enquêtes ? Il faut bien reconnaître que les obligations en matière de publicité peuvent être sujettes à pas mal d’interprétations. Ainsi l’autorité organisatrice « doit informer le public, par tous moyens appropriés, selon l’importance et la nature du projet, plan ou programme, notamment par voie d’affichage sur les lieux concernés par l’enquête, par voie de publication locale ou par voie électronique » : mais qui juge de ce qui est approprié ou pas, au-delà du minimum légal ?

Un examen rapide des dernières enquêtes publiques sur le secteur Euroméditerranée montre que les avis d’enquêtes sont simplement :

  • Publiés dans La Provence et La Marseillaise (abonnez-vous et lisez tous les jours les annonces légales ?)
  • Affichés plus ou moins visiblement dans quatre ou cinq endroits situés dans le périmètre géographique de l’enquête (ouvrez l’œil)
  • Mis en ligne sur le site de la Préfecture des Bouches-du-Rhône (« géré par le service de la communication interministérielle de l’Etat », et ça se voit…)
  • Et relayés sur les réseaux sociaux (dont les miens lorsque j’ai l’info)

Ce dispositif est heureusement élargi lorsque l’enquête concerne par exemple un grand nombre d’habitants, comme la récente enquête publique menée par la Métropole sur l’extension des lignes 2 et 3 du tram. L’enquête peut également être précédée d’une « concertation préalable » et complétée par une ou plusieurs réunions publiques.

Panneau 6 de la concertation préalable pour l’extension du tram, mai 2018
Avis d’enquête publique pour l’extension du tram, août 2020

Par ailleurs, on confond souvent l’obligation de mettre à disposition du public un registre dématérialisé avec celle de la mise en place d’un registre numérique. Or comme l’indique clairement le registre numérique en question, il s’agit là d’un service privé beaucoup plus engageant et ergonomique pour les habitants, mais qui n’a rien d’obligatoire : « La décision de l’emploi d’un registre numérique relève de l’autorité organisatrice. Le commissaire enquêteur peut recommander son utilisation en concertation avec l’autorité organisatrice et le maître d’ouvrage. Le commissaire enquêteur pourra indiquer les fonctionnalités du registre qu’il souhaite voir mises en œuvre. » Résultat : beaucoup d’enquêtes publiques qui concernent notre ville sont simplement consultables sur des registres certes « dématérialisés » mais qui ne favorisent pas la participation…

Bref, il ne vous reste plus qu’à prendre votre courage à deux mains et à partir à la recherche du document qui va vous éclairer et vous permettre le cas échéant de formuler vos observations. Cela demande donc un peu de travail mais a une réelle utilité, en dehors de bien vous informer. Nombre de projets sont en effet modifiés suite à ces enquêtes, sous réserve que suffisamment de citoyens développent une argumentation étayée pouvant entraîner soit un avis défavorable, soit des « réserves » (contraignantes) soit des « recommandations » (non contraignantes) du commissaire enquêteur. L’idée n’étant pas de s’opposer à tout mais de participer à l’amélioration du résultat final pour les premiers concernés : vous.

Pour comprendre le projet – car c’est avant tout de cela qu’il s’agit – cherchez d’abord le « résumé non technique » ou la « notice explicative ». Même s’il est parfois volumineux, ce document est en général assez clair et agrémenté d’une table des matières qui peut vous aider à repérer les points et les schémas qui vous intéressent plus particulièrement. Attention, le nommage de ce fichier peut parfois être barbare, tel ce « 2323482_RNT » qui n’est autre que la notice explicative de l’enquête publique de l’extension des lignes 2 et 3 du tram. Le commissaire enquêteur s’est d’ailleurs lui-même ému des difficultés que peuvent rencontrer les participants à s’y retrouver (même si en lisant les contributions on voit bien que certains n’ont vraiment pas pris la peine de chercher).

S’il y a eu une concertation préalable à l’enquête, il peut également être intéressant de consulter le bilan de cette concertation, pour autant que l’autorité organisatrice n’ait pas confondu « concertation » avec « consultation », voire « information ». Bien sûr si vous en avez le loisir n’hésitez pas non plus à vous rendre à l’une des permanences du commissaire enquêteur indiquées sur l’avis d’enquête publique. Vous pouvez aussi prendre conseil auprès des diverses associations citoyennes, mais gardez en tête que votre intérêt n’est pas forcément le leur, et inversement. En tout état de cause formulez votre avis individuellement même s’il est identique au leur car le nombre d’avis est un facteur important dans la prise de décision du commissaire enquêteur.

Enfin n’attendez pas la dernière minute pour vous plonger dans le sujet de l’enquête : une fois le délai expiré et le rapport du commissaire enquêteur publié, non seulement vous ne pourrez plus donner votre avis ni consulter ceux des autres, mais les documents d’information ne seront plus facilement accessibles en ligne. Il ne vous restera alors plus qu’à lire le rapport pour vous informer et participer à la suite de la consultation, s’il y en a une, ou à aller râler sur Facebook, ce qui ne sera d’aucune utilité 🙂